Par Robin Dignard, formateur agréé en incendie et mesures d’urgence.
Les piles au lithium causent 90 % des incendies dans les centres de tri, lorsqu’elles sont endommagées durant les opérations, écrasées ou exposées à l’eau. Elles explosent alors comme un feu d’artifice et peuvent facilement enflammer le papier, le carton ou autre matière qui se trouve près d’elles.
Les risques d’incendie sont présents tout au long de la chaîne de recyclage, du camion de collecte jusqu’à la création des ballots de matières recyclables triées. Ces risques sont accentués par les différentes sources de chaleur présentes, la machinerie ainsi que les réactions chimiques avec d’autres matières qui mettent en danger la santé et la sécurité des employés. La fumée qui s’échappe lorsqu’une pile au lithium prend feu est extrêmement toxique et peut également causer de graves brûlures.
Lors de mes enquêtes pour déterminer les causes et les circonstances des incendies dans les centres de tri de Ricova, à chaque fois qu’une batterie au lithium était impliquée, c’est la vitesse d’intervention des employés qui a limité la propagation et l’ampleur de l’incendie.
Robin Dignard
Malheureusement, les délais de détection impliquent souvent un incendie de grande ampleur, car la vitesse d’ignition de la batterie est fulgurante et se propage rapidement aux matières recyclables qui s’y trouvent.
Les incendies dans les centres de tri sont la bête noire des gestionnaires et des employés, qui prennent cette réalité très au sérieux. Mais malheureusement, nous ne sommes jamais entièrement à l’abri, car les piles sont parfois toutes petites ou cachées par des éléments sur le convoyeur. Nous n’avons qu’à penser aux incendies qui ont endommagé l’usine Koncas Recyclage appartenant à Matrec, en juin 2022, ou encore le centre de tri de Lachine opéré par Ricova jusqu’en octobre dernier. Les causes sont parfois multiples, mais la pile au lithium demeure la pire menace pour la santé et sécurité des employés.
Lorsque le président-directeur général de Ricova m’a approché pour l’accompagner, il voulait moderniser ses équipements pour améliorer le tri – ce qu’il a fait –, mais aucun système n’est disponible sur le marché actuellement pour détecter la présence de batterie au lithium au travers des matières recyclables. La clé est d’améliorer les processus et les façons de faire de l’ensemble de la chaîne de tri, en commençant par le triage réalisé par les employés. Au cours de la dernière année, j’ai accompagné les équipes dans l’amélioration des opérations de nettoyage, l’application d’une procédure d’alerte rapide ainsi que la mise en place de poubelles anti-feu qui séparent les piles du reste du matériel.
En un an, les incendies répertoriés à leurs trois centres de tri (St-Michel, Lachine et Châteauguay) ont réduit de plus de la moitié, passant de 17 en 2021 à 9 en 2022. Des 9 incendies que j’ai cartographiés, près de 60 % avaient en cause une pile au lithium. Nous pouvons souligner le travail de longue haleine accompli par tous les employés de Ricova, mais leur engagement doit demeurer constant et leur formation réalisée en continu. Leur santé et leur sécurité au travail en dépendent.
Il faut aussi sensibiliser les citoyens afin qu’ils comprennent qu’une batterie au lithium est une matière dangereuse et qu’aucune matière dangereuse ne doit être déposée dans le bac bleu de recyclage, mais dans des endroits désignés, comme les écocentres et certains points de dépôt. C’est grâce à la vigilance de tous que nous allons assurer la protection des travailleurs des centres de tri. Et à cet égard, il ne faudra jamais réduire nos efforts collectifs.